Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Tabou, composition

15 Février 2013 , Rédigé par Antoine Rensonnet Publié dans #Bribes et fragments

Retour très provisoire de Bribes et Fragments, rubrique plus du tout hebdomadaire pour reparler de Tabou, un film bien haut dans les tops 2012 sur De son coeur le vampire. Merci d'avance aux lecteurs pour l'exégèse de l'expression "geste de cubiste iréniste". A défaut, je sommerai l'auteur de s'expliquer. nolan.

Bribes et fragments

 

 

Tabou

Tabou (2012)

 

Tabou, composition – Peu emballée par un médiocre et sympathique soupirant (Cândido Ferreira), Pilar (Teresa Madruga) rit et pleure dans les salles obscures alors qu’Aurora (Ana Moreira) et Gianluca Ventura (Carlotto Cotta), épuisés par l’oisiveté de leur existence tropicale, tombent, presque naturellement, dans les bras l’un de l’autre. Miguel Gomes, dans Tabou, le rappelle : le cinéma et l’amour ont beaucoup en commun et servent, en premier lieu, à tuer le temps. Pour le metteur en scène, l’acteur, voire le spectateur, là n’est cependant pas – ou ne devrait pas être – leur enjeu principal. Il s’agit plutôt de fondre des fragments de nature et de qualité diverses pour qu’émerge un objet dont la valeur tient à l’unicité illusoire. Que les éléments semblent former un tout et l’écueil du simple et parfois décevant divertissement pourra être évité. Le film deviendra œuvre et la relation amoureuse une histoire digne d’être contée. D’ailleurs, vécue ou non, cette dernière ne peut s’épanouir sans récit. Aussi Tabou, grande proposition romantique de l’année 2012[1], se veut-il machine à le recréer en mobilisant l’extraordinaire pouvoir du cinéma. Celui-ci connaît toutefois quelques limites dont la plus claire est que ses procédés magiques soient largement éventés. Les spectateurs d’aujourd’hui ne se laissent plus vraiment prendre aux vieux trucs murnalciens et il y a sans doute dans le renoncement à cette naïve fraîcheur une sorte de ‘‘Paradis perdu’’. Tout relatif néanmoins puisqu’il suffit de mettre en cause le cadre artistique, c’est-à-dire de ne pas feindre de l’ignorer, pour qu’il retrouve pleinement sa fonction dramaturgique passée.

Le ‘‘Paradis perdu’’ sert essentiellement à faire croire au ‘‘Paradis’’, à lui insuffler sa dimension légendaire. Le sceptique est rassuré : chute, il y aura bien. C’est, en fait, la suprême habileté d’un dispositif apparemment modeste qui conduit, en cinéphile classique ou amoureux moderne (ou l’inverse, selon ses dispositions du moment), à tout accepter et tout interroger. Au moment de mourir, Aurora (Laura Soreval) provoque l’entrée en scène de Gianluca (Henrique Espirito Santo). Il clôt, en deus ex machina, un premier film et ouvre sur un second qui, à l’issue de la projection, apparaîtra indéniablement comme la pièce maîtresse faisant oublier la grande confusion qui règne à l’intersection des deux segments. Ce nouveau personnage, inattendu témoin de jours révolus, doit, a priori, exhumer le morceau du passé qui donnerait un sens quelconque à une vie achevée dans la folie et l’inutilité. Il remplit certes cette fonction mais sa narration est si parfaite que se dessine nettement l’idée d’un sentiment amoureux partagé qui aurait traversé le temps. Gomes, plus encore qu’à L’Aurore ou à Tabou, en appelle au mythe de Dracula. Surtout, quatre histoires font mine de coïncider : celle qu’Aurora voulait faire connaître, celle écrite par Gianluca et celles réellement vécues par chacun des deux héros. Le caractère artificiel d’une telle coagulation est évident mais, donné, il permet que se mettent en place, sans tricher, les codes du mélodrame. Or, l’histoire d’amour est d’autant plus attendue que, en faisant mouvement du présent vers le passé, le film n’est plus du cinéma qui observe et déconstruit et est redevenu celui qui racontait et accordait. Il ne cessera pourtant jamais complètement d’être les deux et Miguel Gomes commence à peine à laisser entrevoir son geste de cubiste iréniste.

 

Antoine Rensonnet

 

[1] Avec La Taupe dans un tout autre genre.

Partager cet article

Commenter cet article

M
According to many movie experts and viewers, the movie Taboo composition is one of the first ever movies about the super natural and mystical themes. The artists are well suited for such thriller movie and I enjoy watching it.
Répondre
A
<br /> En fait, ce que j'écris, c'est que le fameux geste commence à se laisser entrevoir à la jonction des deux parties. Il apparaît plus clairement dans la seconde. Mais, en fait, le "Paradis Perdu"<br /> et le "Paradis" fusionnent sans cesse.<br /> <br /> <br /> Cubiste parce que Gomes croise plusieurs couches de récit(les souvenirs de Gianluca, les lettres, l'image) qui s'additionnent sans complètement se confondre. A multiplier les anges de vue dans un<br /> cadre commun, il montre que le récit unique amoureux relève d'un construit que son film se charge d'assumer tout en indiquant qu'il n'a pas (eu) de réalité.<br /> <br /> <br /> Iréniste parce que, malgré tout, l'addition-accord des différents morceaux se fait dans une grande douceur d'ensemble qui éloigne du cubisme et fait que, au moins en première analyse, on peut y<br /> croire.<br /> <br /> <br /> Il faudrait sans doute que j'y revienne...<br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
N
<br /> Antoine,<br /> <br /> <br /> Qu'entends tu par geste cubiste iréniste ? A noter que j'ignore tout du cubisme et d'Irène.<br /> <br /> <br /> C'est d'autant plus difficile à comprendre que d'après ce que tu écris ce geste iréno-cubiste ne se laisse qu'entrevoir dans Tabou.<br /> <br /> <br /> D'avance merci de ta réponse.<br />
Répondre
.obbar-follow-overlay {display: none;}