The Place Beyond the Pines
Un pensum que ce The Place Beyond the Pines. On l’espérait nerveux et dynamique, il s’avère lourd et lent. Mal construit, le film s’affaisse rapidement et ses deux dernières parties réclament, pour les supporter, une indulgence que nous ne possédons plus…
Luke (Ryan Gosling)
La leçon de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960) n’est pas tant que l’on puisse tuer un héros avant le milieu d’une œuvre mais qu’il est possible de le faire à la seule condition que celle-ci gagne en densité. Qu’il l’ignore ou qu’il se rate, Derek Cianfrance, dans The Place Beyond the Pines, commet en tout cas une grossière erreur en sacrifiant trop rapidement le voyou-motard Luke (Ryan Gosling). Non que le polar psychologique plan-plan dont celui-ci était le centre soit du plus grand intérêt mais il vaut tout de même nettement mieux que le drame où son meurtrier, le policier Avery Cross (Bradley Cooper), prend sa place. Le peu de charme du film s’évapore d’un coup et, s’enferrant dans un récit peu cohérent, The Place Beyond the Pines, à peine sauvé par les quelques apparitions du véreux Deluca (Ray Liotta, magnétique et effrayant) se met à sérieusement patauger. Sentant probablement qu’il se noie, Cianfrance le charge alors jusqu’à la gueule de thématiques si lourdes que leur emploi seul devrait assurer la grandeur de l’ensemble. Paternité et filiation, bien sûr, mais aussi mensonge, absence, politique, ambition, traumatisme inavouable… La liste est sans fin et le tout sans intérêt car, pour chacune des figures mobilisées, le réalisateur n’a à peu près rien à dire d’autre que de très banal et son film ne gagne jamais en ampleur.
Avery Cross (Bradley Cooper)
La lassitude l’emporte. On espère, avec l’arrestation des ripoux, que The Place Beyond the Pines s’achève enfin. Ce serait une mauvaise conclusion mais, au moins, c’en serait une. Malheureusement, Cianfrance comprend confusément qu’il a raté sa dissertation. Aussi tente-t-il de la sauver dans une inutile troisième partie. Elle constitue une sorte de chapiteau-rustine qui doit faire tenir tous les bouts épars. Après les pères, les fils – Jason (Dane DeHaan) et A.J. (Emory Cohen) – entrent en scène. Le film semble perdre encore en rythme. Une impression simplement, il n’en a plus aucun depuis longtemps. Par contre, nous n’avons plus la patience de supporter de telles élucubrations irréfléchies mêlant déterminisme social et christianisme. D’ailleurs, c’est bien ce qui reste : The Place Beyond the Pines a beau frayé dans des milieux marginaux, il est désespérément encombré de puritanisme. Le poids du pêché bouleverse la trajectoire des personnages – Avery Cross en tête – et, surtout, cette culture de la faute surdétermine le regard que Cianfrance porte sur ceux-ci. Son incapacité à clairement distinguer la construction de ses héros et son jugement est une cause supplémentaire de l’échec de The Place Beyond the Pines. Peu importe, lorsque Jason s’en va au loin sur une moto pour mieux renouer avec son défunt père, le générique commence. C’est fini. On n’aura pas droit à un nouvel épisode avec les petits-fils. Tant mieux.
Jason (Dane DeHaan)
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 1
Note de nolan : 1
The Place Beyond the Pines (Derek Cianfrance, 2012)
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