Woody Allen/Scarlett Johansson (2) : Scoop, la place du (grand-)père
Bribes et fragments à la manière d'un magazine masculin : "Garder ses abdos après 60 ans en 10 leçons" (avec photo d'un mec de 40 ans torse nu et Scarlett Johansson en maillot de bain) ! Ah non, pardon : A 70 ans, Woody Allen accepte son âge (et Scarlett Johansson avec des lunettes). Une belle leçon pour Stallone. nolan
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Scoop
(2006)
Woody Allen/Scarlett Johansson (2) : Scoop, la place du (grand-)père – En réalisant Match Point, Woody Allen a laissé les Etats-Unis derrière lui, retrouvé l’inspiration, frôlé la perfection et ouvert une nouvelle page – la cinquième – de sa longue carrière. Restent deux questions laissées en suspens par la précédente. Elle s’était achevée par Melinda et Melinda, sorte d’essai théorique complètement raté qui voulait croiser drame et comédie en ramassant les quelques trente-cinq films précédents du cinéaste. Auparavant, Allen avait montré sa difficulté à trouver sa place en tant qu’acteur. Le Sortilège du scorpion de Jade et Hollywood Ending figuraient parmi ses meilleures comédies mais les deux souffraient d’un même défaut : on ressentait une gêne certaine à voir Woody Allen séduire Helen Hunt puis Téa Leoni et surtout à nier son âge avancé. Pour la première fois, dans Anything Else, la vie et tout le reste, il l’assumait et faisait mine de transmettre, non sans rechigner, le témoin à un Jason Biggs un brin insipide. En fait, le mal était profond. Depuis ses débuts, Woody Allen avait joué de son physique chétif pour créer des gags. Toujours, les femmes qui l’accompagnaient étaient plus belles que lui. Mais non plus jeunes. Impossible désormais d’appliquer la même recette. Allen, l’acteur, n’avait plus aucun argument à faire valoir pour susciter un quelconque désir. Son personnage devait évoluer. Ou mourir.
« Ne considérez pas le fait d’être mort comme un handicap ! » | |
Sidney Waterman |
Avec Scoop, Allen fit d’une pierre deux coups. Le film conte l’histoire d’un homme, Peter Lyman (Hugh Jackman), qui, remarquant cyniquement l’ironie de l’existence, est amené à tuer l’objet de son désir pour de sombres histoires d’argent, de sexe et de milieu social. Scoop développe ainsi des motifs similaires à ceux de Match Point mais sur un mode résolument humoristique. Réussis, les faux-jumeaux Match Point et Scoop effacent le triste épisode de Melinda et Melinda. Il offre également des funérailles en grande pompe à l’acteur Woody Allen(1), qui joue ici un vieux clown fellinien, le magicien Sidney Waterman (ou le grand Splendini). Et l’ordonnatrice de la cérémonie n’est autre que Scarlett Johansson, dans le rôle de la jeune journaliste Sondra Pransky, qu’Allen retrouve avec bonheur. Si, entre les deux personnages, le coup de foudre est immédiat, Sondra décide rapidement de faire de Sidney son père de substitution. Le réalisateur s’accorde là une petite concession puisqu’il devrait plutôt être le grand-père de la jeune femme. Mais, bien que celle-ci, lors de sa première apparition, couche immédiatement avec un cinéaste (Mike Tinsley – Kevin McNally) bien plus vieux qu’elle, il n’y aura pas d’ambiguïté : jamais Allen ne laissera effleurer l’idée qu’il pourrait être son amant.
« Rien ne m’excite plus dans la vie qu’un diner sans brûlure d’estomac. » | |
Sidney Waterman |
L’incapacité de Sidney, qui, à tous et toutes, sort le même discours, à retenir une information est l’un des gags récurrents du film. Or, il confond Sondra avec une certaine mademoiselle Mandelbaum. Rapidement glissée, cette réplique laisserait entendre que l’actrice est interchangeable. Rien n’est plus faux et celle-ci provoque, évidemment, un effet spécifique sur un vieil auteur qui a moins renoncé à la (sa ?) jeunesse qu’il ne veut le montrer. Elle participe aussi du jeu permanent entre les identités faussées des personnages qui, tous, sont de véritables poupées gigognes. Ce qui pourra faire penser au Vertigo d’Alfred Hitchcock (comme le meurtre raté rappelle celui de L’Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau). On préférera remarquer que cette démultiplication des possibles insiste sur la facilité avec laquelle la légère comédie pourrait, instantanément, se muer en drame. Elle renvoie également aux deux façons opposées dont Allen filme son actrice. Souvent, elle apparaît particulièrement fraîche et son absence d’assurance se traduit par un débit ultra-rapide. Légèrement enlaidie par des lunettes et parfois pourvue de fil dentaire, l’apprentie journaliste est infantilisée. Rendue, à l’image de son père de cinéma, immature. Mais, dans nombre d’autres séquences, on retrouve la séductrice souveraine de Match Point dont Allen se plaît, au bord d’une piscine notamment, à détailler les courbes voluptueuses. L’auteur brouille les pistes. Il a beau se savoir septuagénaire, il voit encore parfaitement clair et demeure maître de son art : il montre, et en a pleinement conscience, une seule et même femme. Celle, irrésistible et – relativement – mature, grâce à laquelle il s’est ressourcé.
« Tout n’est pas sinistre dans ce monde. Juste la plus grande partie. » | |
Sidney Waterman |
Antoine Rensonnet
Avant :
La suite :
1 On le retrouvera, après six ans d’absence, en juillet prochain dans To Rome with Love.
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