Zero Dark Thirty
Zero Dark Thirty ou la traque obsessionnelle d’Oussama Ben Laden par l’agent spécial Maya. Un film souvent brillant, bien construit, longuet et, in fine, assez inutile. A l’image, peut-être, de cette victoire des Etats-Unis…
Maya (Jessica Chastain)
Extrêmement efficace et souvent spectaculaire dans chacune de ses séquences mais beaucoup trop long dans l’enchaînement de celles-ci, Zero Dark Thirty n’aidera pas vraiment à répondre à la question qu’il pose plus ou moins directement : où en sont les Etats-Unis après plus de dix ans de guerre contre le terrorisme ? Sans sombrer, le pays patauge. Le film de Kathryn Bigelow est à son image et hésite pendant deux heures et demie. Il reprend la construction des thrillers des années 1970 – Conversation secrète (Francis Ford Coppola, 1974), Les Trois jours du Condor (Sydney Pollack, 1975), Les Hommes du président (Alan J. Pakula, 1976)… – découvre et se perd dans les nœuds d’un réseau effroyablement complexe. Mais l’habileté conjuguée du scénario et du découpage mène vers un ennemi clairement identifié : Oussama Ben Laden. Soit l’incarnation absolue du mal ces dix dernières années et une icône un peu facile dans un monde qui ne permet pas le simplisme. Par pudeur, prudence, peur du ridicule et/ou volonté de nier l’adversaire en lui refusant une représentation, la réalisatrice réduit Ben Laden à une ombre et une barbiche. On pourra y voir le symbole des flottements d’une œuvre ouverte par une scène de torture difficilement soutenable et close par une opération spéciale superbement exécutée. Faut-il célébrer une victoire ou analyser une crise morale ? Interrogation insoluble et choix impossible.
L’attaque de la cache d’Oussama Ben Laden
Affronter le terrorisme est une curieuse guerre de l’image dans laquelle il ne saurait être question de se mettre au niveau de l’adversaire et d’obtenir des triomphes militaires. Trouée d’attentats, elle reste abstraite. Kathryn Bigelow essaie d’en rendre compte. On peut admirer son obstination dans ce qui a tout d’une gageure mais il nous semble qu’elle échoue. Que sa mise en scène fort précise cache mal un discours si peu assuré qu’il devient non pas fascinant d’ambigüité ou gênant et malsain mais seulement creux. Elle n’aurait rien à dire et à montrer d’original et, de surcroît bloquée par une histoire ‘‘inspirée de faits réels’’, posséderait moins de liberté que Ridley Scott (Mensonges d’Etat, 2008) ou Paul Greengrass (Green Zone, 2009) sur des sujets similaires. Aussi Zero Dark Thirty demeurerait-il vain. Long et efficace, donc, et vaguement illuminé par le personnage diaphane de Maya (Jessica Chastain), traqueuse obsessionnelle et double déjà réduit au néant d’Oussama Ben Laden. Le conditionnel, toutefois, restera de rigueur. Il n’est, en effet, pas complètement exclu que Zero Dark Thirty soit un film profondément important ou parfaitement désagréable. Deux hypothèses, qui d’ailleurs ne s’excluent sans doute pas l’une l’autre, tout de même hautement improbables…
Maya
Antoine Rensonnet
Note d’Antoine Rensonnet : 2
Note de nolan : 3
Zero Dark Thirty (Kathryn Bigelow, 2012)
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