Pacific Rim
Le film du cinéaste mexicain ne s'embarrasse pas d'un quelconque embryon de discours à l'image de la plupart de ses homologues blockbusters(1) mais se révèle d'une part très spectaculaire et d'autre part très joli. On est plutôt content.
A n'en pas douter, Guillermo Del Toro a dû montrer patte blanche pour avoir l'opportunité de diriger cette grosse production. Après deux échecs sur de gros chantiers – il s'est vu retirer la réalisation du Hobbit (prise en charge par le producteur, Peter Jackson – 2012) et celle des Montagnes Hallucinées (adaptation, qui reste en suspens et à laquelle le cinéaste mexicain reste attachée, de l'œuvre d'H.P. Lovecraft – 1936) –, la Warner lui confie la réalisation de Pacific Rim qui voit s'affronter des Jaegers (d'immenses robots pilotés par un couple de pilote reliés par l'esprit) et des Kaïjus (de non moins gigantesques dinosaures venus de l'océan Pacifique et peu respectueux du plan local d'urbanisme de l'humanité). Aussi Del Toro limite-t-il fortement son ambition à travers un scénario à grosses ficelles (parlons plutôt d’énormes cordages pour reprendre l'expression de Pierre Desproges) mais rythmé, peuplé de personnages archétypaux sympathiques (Idris « Stringer Bell » Elba cabotine joyeusement en général autoritaire et paternaliste) ou pas (l'insupportable Charlie Day qui joue un savant... insupportable mais censé être drôle). Conséquemment il n'exploite pas ou peu les pistes ouvertes notamment par le pilotage télépathique des Jaegers.
Toutefois, puisque mon acolyte se charge de l'aspect respectable de ce blog, n'ayons pas peur d'écrire que nous aimons le Del Toro de Blade 2 (2002), qui offrait sur la base d'une histoire simplissime, un shot d'action réjouissant(2). Et sur ce point, le réalisateur n'a pas perdu la main. Son regard se fait d'une grande pertinence quand il s'agit de représenter le gigantesque. Il sait jouer sur la notion d'échelle et par le biais des pilotes enfermés dans la tête de leur robot, faire entrer le spectateur dans l'écran. Il y a, en tout et pour tout, trois attaques de Kaïjus dans le film et, dès les premières secondes, dans un furieux déchainement sonore, le spectateur est pris dans l'intensité des combats sans ressortir lassé deux heures plus tard. On regrettera toutefois la signature musicale répétée à l'envi et assez agaçante. Bref, on se tape dessus, on s'écrase, on se déchire, c'est assez exutoire.
"Alors on vient de me donner les lignes de dialogues... Je pense que c'est une blague." Guillermo Del Toro face à Idris Elba et Robert Kazinsky
Mais ce qui fait que le film dépasse ses homologues de l'été, puisque ces derniers souffrent des mêmes défauts de construction que Pacific Rim, c'est sa réussite visuelle. Sur ce point, l'ambition de Guillermo Del Toro nous a paru élevée et le résultat à l'écran est, admettons-le, épatant. Le film – qui mélange autant l'animation que les prises de vue réelle – marie les couleurs chaudes aux géants de fer et froides aux monstres marins. Cet aspect « sucré-salé » reste toujours un plaisir pour les yeux. Les néons hongkongais d'un film toujours plongé dans la nuit et sous la pluie font merveille. On pense à la séquence à Shanghai dans le dernier James Bond (Sam Mendes et photographié par Roger Deakins, 2012) ou au remake (certes foireux) de Total Recall (Len Wiseman et photographié par Paul Cameron, 2012). A ce titre, on retient la réussite graphique de la séquence du souvenir de Mako (Rinko Kikuchi) attaqué par un Kaïju alors qu’elle était petite fille. Pacific Rim, aussi modeste dans son propos qu'audacieux dans ses images, est finalement un bon produit.
nolan
Note de nolan : 3
Note d'Antoine : 2
Un simple contrôle d'identité d'un Kaiju dégénère après que le Jaeger ait utilisé le mot "biatch" en parlant de la compagne du monstre
(1) Un rapide coup d'oeil sur les notes relatives à Iron Man 3, World War Z, Man of Steel, Star Trek Into Darkness et Fast and Furious 6 ne vous convaincront pas du contraire !
(2) Cet exercice a ses limites (voir la note sur The Raid) et est bien souvent raté (comme le témoigne par exemple le lamentable Hyper Tension).
Pacific Rim (Guillermo Del Toro, 2013)
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