Blade Runner 2049, simple film
Blade Runner 2049, simple film – L’échec était inévitable et l’on remarquera, amusé ou déçu ou ravi, que Blade Runner et ses réplicants, fussent-ils, au fil de versions diverses (1982/1992/2007), triturés en tous sens par Ridley Scott et ses producteurs, formaient bien un modèle unique et surplombant, auquel, donc, sa suite doit se confronter. Évidemment, sans succès. Denis Villeneuve a beau ouvrir sur une étrange nature morte pour tenter un détour, il n’échappe pas lors de cette amorce à la comparaison. Blade Runner – on n’avait pas jusqu’ici correctement mesuré le tour de force réalisé – n’éprouvait pas le besoin de s’énoncer comme post-apocalyptique. 2049, si. Ce n’est assurément pas un gain. Puis vient la ville où chaque image, souvent pour le meilleur, en rappelle une autre mais où manque terriblement le son, ingrédient jadis décisif, sinon clou du spectacle. En 2049, Los Angeles ne grouille pas et la solitude des héros – prolongement thématique cette fois-ci pleinement accompli –, toujours aussi grande, ne se loge plus dans un bourdonnement monstrueux.
Plus globalement, c’est l’ensemble de la bande-son de l’original qui forme un cul-de-sac. Blade Runner est un film parfait en ce que ses vices, a priori structurels et rédhibitoires, s’y muent, par on ne sait quel enchantement, en morceaux de bravoure. Ainsi Roy Batty (Rutger Hauer) possède-t-il l’aura d’un magnifique ange charismatique lorsqu’il déclame un monologue très empesé alors que les synthétiseurs, si caractéristiques de l’époque et qui, partout, ont fort mal vieilli, délivrent encore, loin de tout ridicule, puissance et émotion. De là naît un équilibre, une syntonie même, qu’il ne saurait être question de recréer puisqu’il est résolument impossible de se payer de paroles ou de faire exploser la musique. D’ailleurs, quand 2049 parvient enfin à toucher, c’est en jouant de la lassitude ou, creusant plus loin dans le passé, en allant rechercher Elvis Presley et Frank Sinatra.
Pour le reste, il souffre encore de menus défauts, pour la plupart inhérents au projet. On s’agace de la réapparition, strictement inutile du point de vue de l’économie générale du récit, de Gaff (Edward James Olmos) et de ses origamis et l’on constate que s’il fût un temps, il y a trente-cinq ans environ, où Harrison Ford était et Han Solo et Indiana Jones et Rick Deckard, il n’est plus aujourd’hui, à force de répétitions, qu’Harrison Ford vieux. S’y ajoute, pour rendre moins digeste toute cette trop longue affaire (deux heures et demie !), un démiurge grotesque (Neander Wallace – Jared Leto), apparemment très soucieux d’une pénurie de réplicants qui partout prolifèrent et qu’il massacre sans la moindre hésitation…
Bref, 2049 est un film anodin. Malgré tout, c’est un film et ce n’est déjà pas si mal par les temps qui courent. Quand bien même il ne l’a pas inventé, il est doté, bien qu’il doive renoncer à saisir intégralement l’esthétique de Blade Runner, d’un charme plastique certain et, en dépit des incohérences plus haut signalées, il déroule, pianissimo, une intrigue plutôt solide. In extremis, s’il ignore superbement celui de la nouvelle frontière, il parvient même à apporter sa petite pierre au thème, phare en science-fiction, du robot : pourquoi et comment, bien qu’il ait conscience de sa condition, continue-t-il de se rêver humain ? Cet enjeu, certes à peine effleuré au bout de l’enquête et de la quête de K (Ryan Gosling), ne figurait pas au programme de Blade Runner. Même limité, l’apport de 2049 n’est donc pas nul.
Antoine Rensonnet
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