Enter the void
Présenté comme une expérience sensorielle psychédélique, le film de Gaspard Noé est en réalité une réflexion incompréhensible et trop longue sur le cycle de la vie. C’est une grande déception.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Les mains d'Oscar (Nathaniel Brown)
Le scénario d’Enter The Void – un petit dealer blanc (Nathaniel Brown) à Tokyo se fait buter et une fois mort s’inquiète pour sa sœur (Paz de La Huerta) amoureuse de lui – n’a pas grand intérêt. Il sert à articuler simplement une idée formelle avec le contenu à l’instar d’Irréversible du même auteur (2001). Seulement, et contrairement à ce dernier, cela ne peut guère se faire faute d’aboutissement sur le plan formel et d’un contenu illisible. Sur ce dernier point, il me semble que le propos du film est le suivant : la vie, c’est-à-dire la chair et le sang, est absolument dégueulasse, heureusement que, bébés, nous avons pu téter les seins de notre mère. Ainsi le film est-il une succession de saynètes glauques, de lumières éclatantes vers lesquelles l’humanité fonce mais qui ne conduisent que vers la mort. Pourtant et malgré la répétition des évènements, on se demande bien où le film veut en venir. Et si l’on fait abstraction du très cultivé réalisateur Gaspard Noé, pour ne se concentrer que sur l’œuvre qui fait l’objet de cette note, on aurait tôt fait d’y voir une connerie un peu réac et boursouflée. Ainsi, de nombreuses scènes de sexe moches comme tout - toujours présentées du point de vue du petit dealer mort omniscient, Oscar, qui trouve ça dégueu – parcourent le métrage pour atteindre son paroxysme dans la dernière partie dans laquelle une succession de couples fait l’amour dans Tokyo. Cela m’a fait penser à la scène de la « partouze tellurique » de Zabriskie Point (Michaelangelo Antonioni, 1970). Mais Antonioni réussit quelque chose de beau et d’intemporel alors que Noé reste sur le registre qui veut que les gens qui baisent se font aussi bien baiser par la vie. Seul l’amour maternel ou fraternel qui, malgré une évidente tension sexuelle, fait abstraction des choses de la chair, semble pouvoir faire sortir du piège implacable de la vie. Ainsi, le sexe pervertit-il indirectement les relations entre un fils et sa mère et l’on comprend qu’Oscar ne fait pas l’amour avec sa sœur pour éviter cela. S’ajoute à cela, le mot LOVE, qui brillant constamment, habille le film d’une petite touche de ridicule.
Avec un générique magnifique, des plans séquences virtuoses, quelques images psychédéliques et de l’effet stroboscopique à tout crin, le film aurait pu réussir son pari d’être une expérience cinématographique particulière. Pas nouvelle, comme le répète l’auteur à longueur d’interviews[1], mais assez rare pour être remarquée. Mais la volonté d’instaurer le malaise[2] couplé à l’incroyable et inutile longueur du film vient dévorer les ambitions initiales et la délicatesse avec laquelle est filmée Paz de la Huerta ; les lumières fluo sur Tokyo ne viendront rien changer. C’est bien dommage.
nolan
Note de nolan : 1
[1] Le film cite deux fois 2001, L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1969) et Gaspard Noé parle souvent de Inauguration of the Pleasure Dome de Kenneth Anger (1954)
[2] On ne pourra donc pas reprocher au film d’être une ode à la défonce. A ce propos, on peut voir ici ou là sur le net des petits récapitulatifs des films psychédéliques, mais aucun ne cite le très coloré et virevoltant Speed Racer (Andy et Lara Wachowski, 2008).
Commenter cet article