Only God Forgives
Le nouveau film de Nicolas Winding Refn est un feel-bad movie splendide visuellement, terrifiant et dont nous n'avons pas vraiment saisi le sens. Mais peut-être est-ce avant tout une histoire de sensation.
La note dévoile quelques éléments clés du film.
La splendeur visuelle d'Only God Forgives est une évidence. La photographie nocturne du paysage urbain thaïlandais, en extérieur comme en intérieur, fait merveille. Le sens du découpage du cinéaste la met parfaitement en valeur. Dans ce flot d'images, Refn provoque des raccords toujours très soignés entre les scènes, plongeant le spectateur dans les fantasmes du taciturne Julian (Ryan Gosling) brouillant ainsi le parcours pourtant implacable de l'ange exterminateur Chang (Vithaya Pansringarm).
Destiné à supporter le terrible héritage de sa famille de malfaiteurs, Julian est un fantôme qui voudrait exister et dont le parcours ne sera que renoncement. Aussi est-il constamment ramené à son statut de fils amoureux de sa terrible mère (Kristin Scott Thomas) qui ne l'a jamais aimé et lui a toujours préféré son frère dégénéré (Tom Burke), dont le meurtre va déclencher une spirale de violence entre les truands et la police. Ce conflit œdipien est, reconnaissons-le, parfois grossièrement souligné comme lorsque Julian passe la main entre les cuisses de Mia (Yayaying Rhatha Phongam) – une prostituée avec laquelle il ne couche pas (leur relation se limite à quelques jeux érotiques) et dont il s'imagine être le compagnon – filmé de la même manière que lorsqu'il plongera cette même main dans le ventre de sa mère. Mais il ne semble pas que Refn cherche à faire sens (auquel cas le film manquerait singulièrement de subtilité…). Il veut surtout insuffler une sensation de malaise et de confusion et arrive sur ce point à son but. A l'opposé de Julian, Chang le commissaire, est un justicier cruel avec une passion pour la chanson de variété, chaque châtiment qu'il inflige étant suivi d'une soirée entre collègues où il chante de vibrantes et très sucrées chansons d'amour. Les sentences qu'il délivre participent également de ce malaise : il est juge, juré et bourreau. Le cinéaste fait durer l'attente au maximum avant que, d'un coup de katana, il ne tranche dans le vif du sujet. Il est invincible (se rapprochant en ce sens du héros de Drive – 2011) et terrifiant.
Sans doute peu satisfait de l'aspect trop rapide de la souffrance, Refn prend un malin plaisir à nous imposer une scène de torture d'un truand récalcitrant (Byron Gibson). A l'exception d'un clin d'œil (ah ah ah) au Chien Andalou de Luis Bunuel (1929) et éventuellement du plaisir masochiste du spectateur, on comprend mal où le cinéaste souhaite en venir. Ou l'on comprend trop bien (il est implacable, il ne recule devant rien mais n'avions nous pas déjà pris toute la mesure de cet aspect depuis 60 minutes ?). Surtout que la grande scène de combat entre Chang et Julian a bien plus d'impact pour donner une aura surnaturelle au premier. Chang est humain malgré tout (c'est un père) et le cinéaste avait peut-être quelque chose à dire sur l'héritage familial, le poids des parents sur nos vies. Cela nous a échappé mais nous sommes restés captivé par cette ambiance à la fois séduisante et pernicieuse.
nolan
Note de nolan : 3
Note d'Antoine Rensonnet : 3
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