Crime d'amour
Après l'échec de son remake du Deuxième Souffle (2007), Alain Corneau revient avec un thriller très modeste malgré un matériau de base qui aurait mérité plus d'ambition. Pas désagréable à regarder, le film n'en reste pas moins faible.
Ludivine Sagnier et Kristin Scott Thomas
Crime d'amour dure trois minutes. Le temps d'une excellente scène d'exposition durant laquelle Christine (Kristin Scott Thomas), big boss de la branche française d'une multinationale souffle le chaud et le froid sur Isabelle (Ludivine Sagnier), jeune cadre très supérieure. Dans le salon du manoir de la première, la seconde dévoile l'ambivalence de ses sentiments, aussi gênée que fascinée par la soudaine drague de sa supérieure. Difficile alors de savoir si Isabelle veut plaire ou si elle est sincèrement émue mais déjà Christine l'ignore, assurée de son effet. Dans un ton aussi léger qu'inquiétant, cette scène délivre les enjeux du film et instille un certain trouble qui ne manque pas d'attiser la curiosité du spectateur. Le cinéaste joue avec la position des personnages dans le cadre, comme une danse dont Christine serait la conductrice et Isabelle exécuterait les figures. Subrepticement le regard d'Isabelle se trouble et l'arrivée impromptue de Philippe (Patrick Mille), le compagnon de Christine est le symbole du rapport de force qui s'annonce entre les deux femmes. Et le spectateur ne sait plus si Isabelle aime Christine ou se rêve en Christine. Il est sûr d'une chose, Christine est une salope, et attend de la voir encore à l'œuvre.
Mais le film développe très sagement et très lisiblement sa mécanique à notre grand regret. Ce serait mentir que de dire que l'intrigue qui se noue ennuie, elle se suit au contraire très agréablement et le spectateur n'est jamais en retard sur le déroulement des évènements. Les rebondissements attendus arrivent, implacables mais guère passionnants. Déjà, la réalisation se fait trop discrète, ne jouant que sur les confrontations entre Christine la dominatrice et Isabelle la jeune douée sans chercher à incommoder le spectateur. Comme si Corneau ne voulait pas retenter l'expérience du Deuxième souffle, le film est rythmé, les acteurs bien dirigés mais se refuse à tout effet de style, allant même jusqu'à ajouter quelques flashbacks explicatifs en noir et blanc tout caca. A ce point là, il s'agit presque d'un renoncement. Et c'est d'autant plus dommage que le métrage contient tout de même quelques étincelles comme cette très courte scène de meurtre filmée comme une étreinte. Située dans le monde de l'entreprise, l'intrigue ne développe aucun thème social même si une attention particulière est portée sur les personnages féminins. En effet, les deux femmes sont les seules dans l'entreprise, entourées d'hommes et - Corneau martèle ce propos - toutes puissantes face à ceux-ci. La conséquence, c'est qu'il sacrifie un personnage masculin absolument essentiel, Daniel (Guillaume Marquet), l'assistant dévoué d'Isabelle dont le rôle est pourtant déterminant dans le film et aurait sans doute donné un tour plus vertigineux au ballet des protagonistes si son personnage avait été traité plus profondément. L'expression "poison violent" qu'il utilise représente aussi bien le médicament dont il parle que l'amour et le pouvoir. Malheureusement faute d'une réelle prise de risque, le film se cantonne au thriller de bonne facture.
Note de nolan : 2
Crime d'amour (Alain Corneau, 2010)
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