Habemus Papam
La nouvelle comédie de Nanni Moretti est une réussite, largement soutenue par l'excellente prestation de Michel Piccoli. L'auteur-interprète s'efface d'ailleurs pour confier la meilleure partie du métrage – et la plus mélancolique – à l'acteur français.
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Escampettum Papam (Michel Piccoli)
Il est l'heure pour le Vatican de désigner un nouveau pape. Durant la longue procession qui aboutit à l'élection du nouveau souverain, nous découvrons qu'aucun des pontifes n'espère être choisi. Aussi, c'est un discret représentant de Dieu, Melville (Michel Piccoli) qui finit par être élu. Et le voilà plongé dans un océan de doute. Par conséquent, les cardinaux font appel à un psychologue ultra-réputé (Nanni Moretti) et pas croyant pour un sou. Leur unique rencontre se soldera par un changement de statut pour l'un et l'autre : le nouveau pape s'enfuit et découvre l'anonymat dans la ville de Rome et le psychologue devient le détenu et coach sportif des prélats ! Habemus Papam est une excellente comédie dont le présent résumé des deux premières parties du film laisse entrevoir la dimension loufoque du métrage. Ce n'est bien sûr pas tout même si la mise en scène de l'indécision du Conclave nous laisse penser qu'il ne s'agira ici que de décrire de grands enfants. C'est le personnage de Piccoli qui renverse la donne. L'acteur, au sommet, sert un Melville complexe, intelligent et perdu. Il ne doute pas de sa foi, y compris lorsqu'il pense qu'avoir été choisi est une erreur (donc une erreur de Dieu). Mais doute néanmoins de sa vocation et son errance dans les rues de Rome ne fait que renforcer ce sentiment. Aussi le réalisateur s'attache à le mettre en parallèle au super-psy qu'il interprète dont le bagout et les certitudes vont se heurter à l'échec, celui de sa – soudaine – volonté de faire bouger les lignes : prisonnier au Vatican, il organise un tournoi de volley entre les cardinaux. La machine vaticane s'avère implacable et ce malgré la description sympathique de ce Club Med pour hommes (de Dieu). Melville aurait voulu être un acteur, il connait La mouette (Anton Tchekhov, 1896) par coeur mais le rôle du Pape n'en est pas un pour lui. Et pourtant, nous retiendrons la fort réussie scène finale : le balcon papal est un théâtre. L'acteur doit réussir sa sortie de scène.
nolan
Note de nolan : 3
Une grande réussite. Tout tourne autour de l'idée de ce personnage tchekhovien récurrent - celui que Melville aurait tant aimé incarner - qui est celui qui aurait pu avoir une vie, le sait, mais n'en a pas eu . En ce sens, tout est cohérent du début à la fin. Les cardinaux, prisonniers du Conclave et ne pouvant même visiter Rome, sont plutôt sympathiques et se révèlent de grands enfants dont il faut reprendre l'éducation à zéro. En ce sens, dans l'optique choisie par Moretti, les rapports de pouvoir et les intrigues politiques n'ont pas à entrer en ligne de compte. Ce qu'il importe, c'est de montrer que ces hommes n'ont pas de vie - ce que l'art, bien plus que la psychanalyse, réussit à cerner mais pas à expliquer.
Quant à Melville, il ne situe pas dans le débat entre âme et inconscient - un instant posé - mais il est celui qui, plus que les autres, est doté d'une conscience, peu important qu'elle soit irriguée par la foi ou son individualisme (même si Moretti penche résolument pour la seconde option). Son choix final est logique. Il opte pour la vie, dépassant le drame du héros tchekhovien auquel il s'identifie et était confronté. Il aurait pu être quelque chose, l'incarnation d'une idée mais en aurait été définitivement réifié. Il choisit, au contraire, d'entrer dans le monde. Il aurait pu être pape. Il pourra, certes bien vieux, tenter de devenir quelqu'un.
Du coup, c'est assez optimiste - même si l'on sait que le cas a peu de chances de se produire - bien plus que du Tchekhov, en tout cas. Léger, enlevé et bien réalisé aussi.
Antoine Rensonnet
Note d'Antoine : 4
Habemus Papam (Nanni Moretti, 2011)
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