American Bluff
American Bluff, c'est du David O'Russel tout craché : bien surestimé par la critique mais pas trop mal quand même. Son délire gangstero-capillaire est trop long mais tient à peu près la route.
American Bluff (David O’Russel, 2013)
Drôle de parcours que celui de David O'Russel. Après un relatif succès dans la satire militaire (Les Rois du Désert, 1999), le cinéaste devient tricard suite au tournage désastreux de J'adore Huckabees (2004) et de la fuite sur le net de ses homériques colères contre l'une des actrices. On le croyait perdu dans les limbes d'Hollywood quand il se vit offrir la rédemption à travers le très académique et sans envergure Fighter (2010), machine à oscars pour ses interprètes. Se ressaisissant, il délivre le plus inspiré Happiness Therapy l'année dernière et enchaîne avec cet American Bluff, doté d'une ambition un peu plus large.
A n'en pas douter, O’Russel est un fervent admirateur du cinéma américain des années 70. Difficile de ne pas voir Woody Allen dans ses personnages névrosés, de ne pas penser à Cassavetes quand il cadre de près ses acteurs à fleur de peau. Mais surtout O'Russel s'inspire largement de Scorsese. Il n'est pas le premier mais fait montre d'un certain talent, celui – comme l'annonce le petit escroc Irvin Rosenfeld (Christian Bale vraiment marrant) – de faussaire. Qui est le plus fort ? Le faussaire si bon qu'il atteint le talent du maître ? Ou le maître lui même ? A la faveur de la sortie quasi simultanée du Loup de Wall Street, la critique Outre-Atlantique (et également, semble-t-il, française) semble avoir jeté son dévolu sur le faussaire. Tant mieux pour le plus jeune des cinéastes mais il apparaît tout de même que le septuagénaire italo-américain domine encore largement la jeune garde tant sa dernière œuvre, aussi vide soit elle, se révèle plus insolente et plus virtuose que celle foutraque d'O'Russel.
Ne boudons pas notre plaisir, le film est amusant. Il raconte comment un agent du FBI trop ambitieux (Bradley Cooper) pince puis embringue un couple d'arnaqueurs de petite envergure (Bale et Amy Adams) dans un plan visant à faire tomber le maire d'Atlantic City (Jeremy Renner), pas pourri mais susceptible de le devenir. Le cinéaste calque le schéma Des Affranchis (1990) et de Casino (1995) partagé entre l'hommage et le second degré. Rempli ras la gueule de travellings avant, de cabotinage effréné, de voix off et de séquences outrées, le film n'est pourtant jamais indigeste même s’il aurait pu compter une bonne demi-heure de moins. Force est de reconnaître le talent de directeur d'acteurs du cinéaste qui rend complice le spectateur des roucoulades et roulement d'yeux en tout genre. Associé à un sens du dialogue qui faisait déjà mouche dans l'opus précédent, le divertissement est de qualité. A ces titres, Jennifer Lawrence en desperate housewife simplette et hystérique délivre quelques séquences hilarantes.
Quand il s'agit de basculer dans le drame, ça patine quand même un peu. Surtout qu'en osant prendre le parti des escrocs ou en voulant disserter sur le politicien qui prend les pots de vins uniquement pour le bien de la communauté, on ne voit pas trop où le réalisateur veut en venir (1). Pire, le personnage de Christian Bale se fend d'un laïus final en mode « vous n'avez même pas réussi à choper les vrais méchants, ceux de la finance » qui surligne que le côté brouillon de l'intrigue n'a plus rien de charmant quand le métrage se prend trop au sérieux.
nolan
Note de nolan : 2
Note d'Antoine Rensonnet : 2
(1)Sur ces thèmes, on ne pourra recommander que très chaudement la série Treme de David Simon.
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